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Juin 2024. Le mot du président

Comment se tenir à hauteur de la situation actuelle du monde ?  Comment y inscrire notre acte, soutenir le sujet et imprimer une orientation? Espace analytique Belgique souhaite répondre à une telle convocation, et s’en donner les moyens, comme en atteste le programme de l’année 2024-2025 qui s’annonce.

Nous vous invitons à découvrir les activités prévues, que je me propose aussi de vous présenter dans la suite de ce mot, après quelques indications introductives sur la spécificité de la parole que nous souhaitons tenir au sein d’EaB…

Du point tenu par la psychanalyse, répondre du monde, cela ne peut se faire qu’à travers la parole, témoignage du sujet tenu à partir de son assujettissement dans la langue et de son inscription dans les discours, indexé au point de rencontre du Réel, tout en y inscrivant son affirmation en excès. Cet « excès » du sujet prend aussi bien figure du manque, du silence, d’un peu d’air dans la compacité du réel, d’une énonciation d’un dire muet qui se fait entendre au-delà de la prolifération des énoncés qui nous submergent de simulacres. Alors que ces leurres nous livrent à l’alternance de la désorientation et des crispations identitaires, l’affirmation du Je ouvre le champ de son désir.

Si nous parions ainsi sur la puissance de la parole, cela tient à notre engagement dans une conception de la parole qui ne se réduit ni à un moyen de communication, ni à une représentation du monde ou des corps, ni à un apprentissage algorithmique. La parole consiste en l’énonciation en sujet à partir d’une matière de langue qui articule le corps, se noue à la jouissance, avec la puissance de tisser le monde, de manière encore inouïe. Si la psychanalyse a une fonction aujourd’hui, si elle souhaite se tenir à hauteur des enjeux contemporains, elle ne pourra le faire qu’à travers ce courage de la parole et du dire, la rigueur de sa tenue.

Je suis très heureux de vous présenter les grandes lignes de notre programme visant à déployer quelques linéaments de cet engagement pour la parole ainsi comprise.

  • Un premier enseignement « Quelques concepts fondamentaux de la psychanalyse » posera les balises qui, entre docte ignorance et gai savoir, permettent l’orientation de la pratique et le soutien de l’acte analytique, le second enseignement « Psychanalyse, linguistique et poésie. Signifiant et sujet, corps et jouissance » poursuivra le parcours à travers apports de Lacan quant au pouvoir du langage noué au Réel et à la jouissance, visant les puissances poétiques de la langue, productive d’un nouveau réel.
  • Chaque atelier propose une mise au travail autour d’enjeux spécifiques de la sexuation, de l’identification, de l’amour, de la haine, de la jouissance et de sa logique, de la construction du fantasme dans le champ du sexuel et l’expérience de la sexualité, ou encore de la construction de l’objet pour la psychanalyse. Chacun qui souhaite s’y inscrire aura ainsi l’occasion de se mettre au travail, d’élaboration autour d’un de ces points d’appui.
  • Quant aux conférences des Lundis de Bruxelles, elles se proposent de décliner les modalités de l’engagement clinique du psychanalyste comme de l’analysant aujourd’hui. Il s’agit donc proprement de construire du répondant face au malaise, aux symptômes, aux traumatismes, en ouvrant les puissances de la parole dans l’espace des diverses attentes et demandes. Bien sûr, la spécificité de notre pratique n’est pas de prétendre à des réponses adéquates, mais plutôt d’offrir des appuis qui permettent de soutenir le désir, et de soutenir l’ouverture de la parole.
  • Lors du samedi d’ouverture de l’année (20 septembre 2024), David Bernard nous proposera ses réflexions sur « ce qui s’avoue », ouvrant ainsi, dans le transfert, à ce travail transformateur de la parole autour de ce que le sujet consent à mettre en jeu et en œuvre, témoignant ainsi de son engagement et de son courage à braver le circuit des affects.
  • Quant aux conférences des Samedis de Bruxelles, elles poursuivront autour des enjeux de la parole engagée  : depuis les ouvertures apportées par la pensée, la culture et l’écriture chinoise (Monique Lauret, 7 décembre 2024) jusqu’à l’interrogation sur qui et sur quelle parole les jeunes en quête d’adresse peuvent-ils compter aujourd’hui (avec Jean-Marie Forget, 22 mars 2025) en passant par une réflexion sur la place de la psychanalyse face à l’individu hypermoderne, en résistant au retranchement ou à la réclusion narcissique (avec Louis Raffinot, 18 janvier 2025).
  • Durant les deux Samedis de Namur, il s’agira d’élaborer les modalités singulières de la parole avec les enfants, ses dessins comme images à écouter (Claude Schauder, 8 février 2025) et la place spécifique de l’analyste accompagnant le « devenir sujet » de l’enfant qui apprend à perdre pour se trouver (Vanessa Greindl, 24 mai 2025).
  • Nous proposons également des espaces de mises à l’épreuve ensemble de cette écoute et cette parole au sein des Intervisions.
  • Nous sommes également soucieux d’établir un dialogue fructueux avec les autres associations ainsi qu’avec les autres disciplines, en proposant ou en participant à diverses activités inter-associations : un premier Contrepoint autour du récit et de la mémoire après guerre (avec Valérie Rosoux, le 30 septembre 2024), une journée inter-association d’étude autour de l’accueil de l’altérité (avec Marie-José Mondzain, le 16 novembre 2024, information programme bientôt disponible ), le Congrès international du réseau d'Espace analytique « Les nouveaux enjeux de la psychanalyse » du 12 au 15 décembre 2024 à Paris.

À travers les différentes activités proposées, Espace analytique Belgique propose ainsi de soutenir la spécificité d’une parole engagée depuis la psychanalyse, susceptible de répondre de notre situation et de nos pratiques.

En septembre, je vous proposerai quelques réflexions supplémentaires sur ce que nous sommes en droit d’attendre d’une parole psychanalytique, en établissant une résonance avec les enseignements du poème comme puissance de faire exister par la langue.

En espérant trouver occasion de travailler ensemble dès la rentrée, je vous souhaite un très bel été.

Antoine Masson, président de l’OA d'EaB