Juin 2023. Mot de fin de mandat de la présidente

Espace analytique de Belgique a été fondée le 18 juin 2010, comme en atteste notre texte de fondation.1
Nous étions alors 10 fondateurs2 en recherche d’un lieu où penser et transmettre la psychanalyse.
En fondant Espace analytique de Belgique, nous avons trouvé plus qu’un lieu : nous avons créé un espace.

Pourquoi avoir fondé une nouvelle association ?
Nous venions tous d’autres lieux et nous souhaitions trouver un endroit où la pensée et la parole étaient libres et pouvaient faire débat.
Certains étaient en contact avec Espace France, quelques-uns de leurs membres et leurs travaux. Ils les avaient trouvés inspirants.

Dans le temps de la création de notre association, il était essentiel de nous appuyer sur certains signifiants fondateurs. Ceux qui détermineraient une identité et avec elle le lieu de notre énonciation, inchangé encore aujourd’hui.

Nous nous sommes arrêtés sur « Espace analytique de Belgique, association pour la recherche et la transmission psychanalytique ».

Le signifiant « Espace » a valeur de signifiant maître pour nous. Quand nous nous nommons, c’est ce signifiant qui reste.
L’espace est à entendre au sens du vide entre deux lignes ou deux points. Il introduit de cette façon à l’interstice, aussi celui d’où peut surgir du sujet.
Nous avons préféré « Association » à Ecole ou Institution, au sens du droit, où l’association est la « mise en commun autour d’un objet », à savoir la psychanalyse et sa transmission.
La « mise en commun autour d’un objet » est bien plus qu’une formule puisque nous avons choisi d’inscrire notre acronyme de cette façon : eab, avec un petit a entre le e et le b. L’objet a étant au cœur de notre inscription symbolique et orientant bien plus que notre désir.

En ce qui concerne la transmission du discours analytique, rappelons qu’elle se fait à partir du désir de l’analyste qui s’acte dans la cure. Autrement dit, la transmission de la psychanalyse se fait, avant tout ou en parallèle, dans et par la cure analytique.
Nous avons voulu créer une association ayant pour visée « deux fonctions : celle de transmettre le discours analytique dont l’agent est la cause du désir et celle de garantir la formation des psychanalystes »3 , en soutenant que cette formation a trois piliers: la formation théorique, la pratique analytique partagée et l’analyse personnelle.

La recherche est avant tout recherche de la connaissance faisant face à l’obscurantisme et la passion de l’ignorance qui aliènent.
Elle mène des travaux avec méthode en vue de faire progresser nos pratiques et les théories tout en s’appuyant sur les fondements psychanalytiques au regard de la rencontre avec la clinique.

Eab comme espace se voulait et se veut toujours propice et soutenant quant à l’émergence du désir de travail et de ses productions auprès de nos membres pour que chacun puisse soutenir un désir averti. Le désir de l’analyste et non pas le désir d’être analyste.

L’idée de la collégialité est en filigranes et pourtant est essentielle.
Nous sommes une association qui se veut sans Maître, ni Dieu, ni Père. Nous ne souhaitons pas « la sacralisation d’une personne, d’une œuvre ou d’un discours »4 . Nous nous voulons hors idéal ou idéalisation.
Nous ne souhaitons pas avoir un(e) chef(fe) de file mais nous soutenons des fonctions qui changent de style, avec celle ou celui qui l’incarne. Le style relevant non pas de l’imaginaire mais tenant du rapport que chacun a au réel.

Nous nous inscrivons bien sûr dans l’héritage de Freud et de Lacan mais nous soutenons que c’est « La pluralité des discours et des échanges cliniques qui peut maintenir un lieu à vocation de formation et de recherche »5.
C’est pourquoi, nous travaillons aussi les textes de psychanalystes tels que Winnicott, Klein, Dolto et d’autres. Et le savoir transmis n’est ni exhaustif ni définitif, d’autant qu’il est par essence troué.

Quoi qu’il en soit, la psychanalyse et sa transmission ne peuvent être souscrites à la culture et à l’époque dans lesquelles elles s’inscrivent. Par contre, le prestige dont elle bénéficiait a fait place à l’énigme qu’elle comporte dont certains ne veulent plus rien savoir. Ses détracteurs reculent face à l’exigence et à la durée qu’elle peut demander.

La psychanalyse est-elle dépassée ou doit-elle s’adapter aux discours ambiants en renonçant à ses fondamentaux ? Je ne le crois pas.
Quelle que soit l’époque, quels que soient les lieux, quelles que soient les pratiques, il y a une chose sur laquelle il s’agit de ne pas céder c’est l’éthique psychanalytique. Celle qui entend quelque chose au sujet et à son énonciation.

Les 10 fondateurs* sont issus de deux générations différentes ce qui a pour conséquence un rapport différent à Lacan puisqu’il y a ceux qui ont connu l’homme et ceux qui s’inscrivent dans son héritage à partir des enregistrements et des textes permettant l’appréhension de sa transmission.
A ce titre, l’effet de transfert est très différent, il est d’une autre nature, puisqu’il s’appuie sur les écrits et non sur la personne de Lacan.

Pour conclure ma dernière prise de parole comme présidente, je souhaite aujourd’hui mettre un accent particulier sur les textes. Ce sont finalement eux qui sont au fondement même de notre association et de nos pratiques. Ceux sur lesquels nous nous appuyons quitte quelquefois à nous en éloigner.

Je vous partage un court passage du texte de Delphine Horvilleur dans « Le rabbin et le psychanalyste »6 , qui trouve écho concernant la transmission de la psychanalyse et de la lecture des textes.
Nous devons avoir conscience « que le texte n’a jamais fini de parler, qu’il lui reste toujours à dire (…). En cela, l’intention de l’auteur devient secondaire (…) ».
Le « vouloir dire » de l’auteur est toujours plus restreint que le « pouvoir dire » du lecteur.
Cependant, « le lecteur doit toujours, d’une manière ou d’une autre, faire avec ce qu’on a fait dire aux textes avant lui. Il doit créer de l’inouï, au sens du littéral du terme du « jamais entendu » à partir de l’écoute de ceux qui l’ont précédé (…).
(…) Parce qu’il a pris en compte ce que des générations de lecteurs ont fait dire au texte avant lui, qu’il a le pouvoir, dans un contexte nouveau, de l’emmener ailleurs.».

L’actualité de la psychanalyse ne cesse alors de se renouveler dans la mesure où c’est entre ce qui a été transmis et ce qui est à créer, entre lecture et écriture, que l’ailleurs apparaît comme ce vers quoi tendre.

Anouk Lepage
Présidente d’Espace analytique de Belgique
17 juin 2023

  1. Ce texte s’est en partie appuyé sur le texte de fondation d’EaB écrit par Cédric Levaque pour les co-fondateurs, Texte de fondation d’EaB. Texte fondateur site EaB
  2. Les 10 fondateurs sont : Elisabeth d’Alcantara(+), Danielle Bastien, Régine de Biolley(+), Patrick De Neuter, Roland Geeraert(+), Vanessa Greindl, Didier Ledent, Anouk Lepage, Cédric Levaque et Nicole Stryckman.
  3. Nicole Stryckman “Institution et transmission de la psychanalyse” (Communications site EaB)
  4. Cédric Levaque, ibidem
  5. Maud Mannoni. Texte de fondation d’Espace analytique, site Espace France
  6. Delphine Horvilleur, “Le rabbin et le psychanalyste, l’exigence de l’interprétation”, pg 25-26, 2020 Editions Hermann

 

Espace analytique Belgique
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1060 Bruxelles

Secrétaire: Didier Ledent
+ 32 (0)486 27 52 10

Trésorier: Didier Lestarquy
+32(0)474 99 14 05
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