JANVIER 2020. Le mot du président   

 Avons-nous besoin de l’institution ?

Nous assistons actuellement à un désinvestissement de l’institution, l’uberisation de la société n’en est qu’un exemple parmi d’autres. Cela permet au citoyen de donner son avis sur tout. Vous appelez un quelconque service, public ou non, et souvent dans la journée vous recevez une enquête où l’on vous demande d’attribuer à votre interlocuteur un certain nombre d’étoiles indiquant votre degré satisfaction. Cela semble aujourd’hui normal voir souhaitable.

Cela donne cependant une illusion aux consommateurs que nous sommes d’avoir une place et un pouvoir. Car face au désarroi de notre temps, ne sommes-nous pas avides d’illusion et de croyance comme en témoigne notre précipitation à adhérer aveuglément à toutes sortes de propositions novatrices ?

Cela ne vient-il pas en écho avec la crise de confiance dans les institutions, crise qui amène les citoyens à vouloir gérer les choses par eux-mêmes. D’où de nouveaux phénomènes comme la justice du peuple par voie de communiqué ou par des phrases assassines sur les réseaux sociaux. Cependant, régulièrement, la presse témoigne des dégâts délétères que cela produit sur certains sujets harcelés par leurs condisciples, ou sur la réputation des uns et des autres. En niant les institutions, notamment régaliennes, n’y a-t-il pas un risque majeur de voir la haine se déchainer ? À vouloir nier l’institution, ne doit-on pas craindre de voir l’institution faire retour, comme un retour du Réel, mais sous une forme autoritaire, ferment des dictatures et du renfermement sur soi et sur les traditions ancestrales ?

Et qu’en est-il de l’institution psychanalytique ? Il n’y a aucune raison de penser qu’elle soit meilleure qu’une autre. Mais pouvons-nous nous en passer ? Ne pouvons-nous pas penser que pour l’analyste, ne s’autoriser QUE de soi-même n’ait pas également un effet de retour du Réel, dans ce cas au détriment de nos patients ? Car cette phrase de Lacan, l’analyste ne s’autorise que de lui-même n’est pas sans poser question et à Lacan lui-même. N’est-ce pas pour répondre à cette question compliquée du passage à l’analyste qu’il a créé la Passe pour ensuite en faire un constat d’échec ? Doit-on pour autant en déduire, au vu de ce constat d’échec, que l’institution n’est plus nécessaire et que nous pouvons faire seuls ?

Je ne le pense pas.

Il est vrai que l’analyste ne s’autorise que de lui-même puisque ce passage à l’analyste il en réalise lui-même les effets. Mais Lacan d’ajouter ensuite, de lui-même et de quelques autres et que ces quelques autres veilleront à ce que seuls des analystes ne s’autorisent. On entend dès lors, si on suit le cheminement de Lacan, que c’est un petit peu plus complexe qu’une simple autorisation auto-normée. C’est un petit peu plus compliqué qu’une simple ubérisation par quelques amis et quelques patients, cinq étoiles, te voilà analyste.

Si en effet, « psychanalyste » n’est pas un titre, il n’en reste pas moins qu’il nous faut nous accorder sur quelques repères, sur quelques balises. L’institution analytique devient alors le lieu, nécessaire, pour trouver ces quelques autres, le plus radicalement autre possible, qui pourront prendre acte du passage à l’analyste, qui pourront prendre acte que cette autorisation de l’analyste n’était pas un vain mot.

L’institution analytique est aussi le lieu nécessaire d’échanges et de débats sur les questions de clinique et de théorie analytique et même si d’aucuns n’aiment pas le mot doctrine, je lui trouve pour ma part de nombreuses qualités à commencer par ce qu’il induit de prise de position d’un groupe d’individus. Je lui retire donc la connotation religieuse et surmoïque pour lui garder ce qui me semble être au plus près de l’acte d’un groupe, se rassemblant autour de quelques conceptions et quelques règles afin de pouvoir faire communauté, institution.

Voilà, ce que je nous souhaite pour 2020, cent ans après « Au-delà du principe de plaisir », qu’Espace analytique de Belgique, reste un lieu d’échanges et de repères cliniques et théoriques pour chacun et chacune, un lieu vivant ou la doctrine peut s’affirmer et se critiquer et qui amène ses membres à pousser plus loin leur formation afin d’arriver en ce lieu où l’autorisation d’un seul devient l’affaire d’un collectif.

En vous adressant mes meilleurs vœux pour l’an neuf.

Didier Ledent

Président d’Espace analytique de Belgique

 

Espace analytique Belgique
Rue des Etudiants, 24
1060 Bruxelles

Secrétaire: Didier Ledent
+ 32 (0)486 27 52 10

Trésorier: Didier Lestarquy
+32(0)474 99 14 05
Compte bancaire EaB:
IBAN :  BE70 1325 3290 6725
BIC :  BNAGBEBB